applaudissements à la maraude des parlementaires

À l’initiative du Fonds du bien commun, une cinquantaine de députés et sénateurs se sont inscrits à « La Maraude des Parlementaires » à la rencontre des sans-abri. Objectif : leur permettre de comprendre la réalité de la grande exclusion. Mercredi 29 mars, ils se retrouvent pour échanger avec les associations qui les ont reçus.

Un député et le Fonds du Bien Commun à l’origine de ce projet

Ce soir-là, comme tous les soirs de l’année, les maraudeurs bénévoles de l’Ordre de Malte chargent le camion. Loys de Pampelonne, le chef d’équipe, donne ses derniers conseils. « Essayez de toujours proposer le choix à la personne et n’oubliez pas que, même s’ils vivent dans la rue, on s’invite chez eux, donc on reste très respectueux et on ne réveille pas ceux qui dorment. » Fanta écoute avec attention. Car, à la différence des autres bénévoles du jour, c’est sa première maraude avec l’Ordre de Malte. Fanta Berete, 47 ans, est devenue députée Renaissance il y a huit mois, à la suite de l’entrée au gouvernement d’Olivia Grégoire, dont elle était suppléante. Comme l’ensemble des députés et sénateurs, elle a reçu fin 2022 une invitation du Fonds du Bien Commun à participer à « La Maraude des Parlementaires». « L’initiative est née d’un déjeuner il y a quelques mois entre Alban du Rostu, le directeur du Fonds du Bien Commun, qui finance des projets sociaux à fort potentiel, et le député (Renaissance) Denis Masséglia, qui lui a expliqué n’avoir jamais fait de maraude, explique Claire Duizabo, coordinatrice du projet. L’idée a alors germé : pour reconnecter les décideurs publics à la réalité de la grande exclusion, l’idéal serait de leur permettre de se glisser, de façon anonyme, dans la peau d’un maraudeur. Nous nous sommes alors rapprochés de quatre associations, l’Ordre de Malte, Aux captifs la libération, Entourage et la Protection Civile, qui étaient d’accord pour les accueillir. »

Une initiative très bien accueillie par les élus

Au total, 56 députés et sénateurs, de tous bords politiques, hormis LFI « qui nous a indiqué faire déjà des maraudes », précise Claire Duizabo, se sont inscrits. Vingt-neuf ont déjà réalisé leur maraude. Tous se sont engagés à ne pas communiquer sur leur participation en amont d’une rencontre avec les associations, programmée le 29 mars. Pour beaucoup de parlementaires, cette maraude était une première. Pas
pour Fanta Berete, qui en avait déjà fait une avec une amie et a aussi participé à une Nuit de la solidarité
pour décompter les sans-abri. Mais, estime cette élue, classée à l’aile gauche de la majorité, « j’aurais dû le refaire plus récemment, car je suis à la commission des affaires sociales et je me considère comme une députée de terrain. Et ce n’est pas pareil de lire les choses dans la presse et de voir la réalité sous ses yeux». « Hormis la très grande compétence des bénévoles, ce qui m’a étonnée, c’est que malgré tout l’argent qui a été dépensé pour créer des places supplémentaires, j’ai l’impression qu’il y a de plus en plus de gens dans la rue », constate-telle.

Une expérience terrain marquée par des rencontres fortes

Effectivement, ce soir là, en trois heures, la maraude a croisé 23 personnes. Dont, sous le métro aérien, une famille avec plusieurs enfants, dont un bébé. Pantalon, blouson, chaussures, duvet, nourriture, café… Ils avaient besoin de tout. D’autres, comme ce jeune homme prostré, assis contre un mur, ont refusé toute aide. La plupart étaient preneurs de boissons chaudes. Et de compagnie. Avec Patrick, couché sur un carton sous un abribus, Fanta a pu discuter longuement. Du 115, qui ne répond jamais mais qui cette fois lui a proposé un hébergement d’une seule nuit, qu’il n’est pas sûr d’accepter. Des vols qui l’ont dépouillé de ses papiers, de trois paires de lunettes et de sa « carte de Sécu » qu’il faudra faire refaire. Patrick est diabétique et, visiblement, le sang ne circule pas bien dans ses pieds et ses mains. Quand Fanta lui applique de la crème hydratante sur les doigts, Patrick essuie un oeil du revers de la main. La douleur, peut-être.

« C’était une expérience riche en émotions, confirme Fanta Berete. Mais il faut aussi que j’en fasse quelque chose en tant qu’élue. Je pense que je vais poser une question écrite au gouvernement sur le bilan des actions déployées. Ce n’est pas normal que, quand on appelle le 115, les gens n’aient pas de réponse, y compris les bénévoles. »

Le Fonds du Bien Commun veut proposer aux élus d’autres expériences sur le terrain

Le Fonds du bien commun réfléchit également déjà à la suite. « On envisage d’élargir à d’autres types
d’actions, reprend Claire Duizabo. Peut-être en proposant des visites dans des centres d’hébergement ou des distributions alimentaires. On pourrait aussi inviter d’autres décideurs, des maires, des ministres et peut-être aussi des chefs d’entreprise. »

Nathalie Birchem pour La Croix – 29 mars 2023